L'occasion est trop belle sans doute, l'homme de la photo est venu à moi de lui-même après un commentaire laissé sur mon blog. J'ai eu du mal à y croire et pourtant après plusieurs dizaines de selfies tous plus improbable les un que les autres, la ressemblance s'impose à moi. Cet homme qui m'avait contacté est celui que je cherche. Il fallait que j'en sache plus. J'ai posé des questions, cherché à avoir le plus d'information possible pour étayer tout article pouvant voir le jour jusqu'à ce qu'il ne décide de me rencontrer. Ô bien sur que je veux le voir. Il est sans doute la clé de voûte à toute cette histoire. Il est la seule preuve ayant survécu aux amnésies, et aux disparitions de photo. Il est là clé. Mais je ne suis pas idiot pour autant, si l'homme me semble être honnête, il peut aussi cacher son jeu, ainsi le rendez-vous est fixé en pleine journée, dans un Starbucks assez fréquenté du quartier pour m'éviter toute mauvaise surprise. Je suis journaliste et la vérité n'éclatera jamais si je meurs.

J'arrive donc au lieu de rendez-vous à l'heure donné. Je commence un café, trouve une table isolé et fini par m'y asseoir avant de sortir mon carnet, mon stylo, mais aussi mon magnétophone que je positionne dans une poche intérieur de ma veste. Cette dernière trônant sur le dossier de ma chaise, je m'assure de ne pas me retrouver sans preuve cette fois-ci. Sans doute pourrais-je perdre mon temps, mais une piste comme la sienne n'est pas à traiter avec légèreté. Il faut du professionnalisme et aucune erreur de jugement. Si je trouve une preuve aujourd'hui, sans doute pourrais-je faire exploser la vérité au grand jour et ainsi gagner enfin le respect qui m'est du. Je ne suis pas fou, je sais qu'il se passe quelque chose d'étrange dans notre monde et je sais que quelque chose met tout en oeuvre pour que le secret reste caché. Reste à déterminer si il s'agit du gouvernement -ce dont je doute au vu des éléments.- ou d'une organisation secrète.

Depuis le trottoir, Yerathel observait l’intérieur du Starbucks au travers de la vitrine. L’endroit était aussi plein que d’habitude, mais il n’eut pas vraiment de mal à repérer le jeune homme qu’il cherchait, déjà installé à une table avec un café posé devant lui. Le pseudo journaliste avait sauté sur l’occasion dès l’instant que l’Occultiste lui avait proposé une rencontre, après plusieurs semaines à communiquer via la messagerie instantanée de Tumblr, à lui envoyer des photos ridicules et à noyer le poisson de façon toujours plus inventive. Désormais, le moment était venu et maintenant qu’il se trouvait sur place, Yerathel se souvenait avec une certaine amertume de la façon dont il avait réagi lorsque Thomas, quelques mois plus tôt, s’était permis de poster un commentaire sur le blog de ce même garçon. Il avait fait bien pire en se dénonçant tout seul comme étant l’homme étrange sur la photo abimée postée par le blogueur, certainement. Il espérait juste qu’il n’allait pas le regretter amèrement. Ça n’était qu’un gamin, après tout et avec le temps, Yerathel avait appris à manier le charme et la manipulation presque aussi bien que ses pouvoirs. Il pouvait s’en sortir. Ou du moins chercha-t-il à s’en convaincre pour la millième fois consécutive avant d’enfin oser entrer dans le café. Il fonça directement jusqu’au bar, où il commanda un café noyé de lait, de crème chantilly et de saveurs sucrées qu’il vint poser sur la petite table du journaliste en tirant la chaise libre pour s’y installer. “Je vous imaginais plus grand !” lança-t-il, faussement enjoué, alors qu’il s’installait confortablement face au jeune homme, croisant les jambes et posant ses deux mains à plat sur la table. Il leva un grand sourire vers le garçon, tandis que ses doigts aux ongles vernis frappaient doucement sur la surface de la table, du moins ceux de la main qu’il ne tendit pas vers son vis-à-vis. “Nyx, à votre service.” se présenta-t-il joyeusement. “Merci d’avoir accepté de me rencontrer.” Il ne semblait ni stressé, ni même vraiment mal à l’aise alors qu’il se trouvait face à un pauvre gamin convaincu de se tenir devant une créature inhumaine. Si seulement ce gosse savait à quel point il avait raison… Mais il fallait bien que quelqu’un l’arrête, pas vrai ? Et autant que ce soit Yerathel qui s’y colle, lui au moins ferait réellement de son mieux pour ne pas attenter à la vie du pauvre enfant. “J’ai beaucoup aimé vos articles,” souffla-t-il sans perdre son sourire. “Vous avez beaucoup de talent et je suis justement un dénicheur de talent ! Je me disais qu’on pourrait éventuellement faire affaires, vous et moi. Vous n’avez jamais pensé à écrire un livre ?”

Je vois le café se poser sur la table suivi par l’homme qui s’empresse de me dire comment il m’imaginait. Plus grand. Comment peut-il me juger petit ? Je suis assis. « Vous êtes exactement comme sur vos selfies », dis-je alors qu’il se présente sous le nom de Nyx. Il n’a rien de grec, ni semblable aux représentations de la déesse de la nuit. C’est un homme, asiatique, étrange. Ça ne peut-être qu’une fausse identité comme je l’avais crains. Il ne dira rien sur lui sans que je ne sois obligé de chercher. Quelques formules de politesses plus tard, il avoue aimer mes articles et me fait alors une proposition que je n’avais pas attendu. Il veux de moi comme écrivain… Nous ne sommes donc pas là pour parler de ces incohérences dans le décor, mais de travail. De son travail. Je ne l’entends clairement pas ainsi. « C’est gentil, mais je souhaite devenir journaliste, être écrivain ne représente qu’un objectif de fin de carrière. ». On peux sentir la déception dans ma voix, mais en même temps, il n’est pas venu pour les même choses que moi et c’est frustrant, quoi que c’est sans doute une épreuve de plus. Comment devenir journaliste, si je me laisse ainsi manipuler.

« Je préfèrerais parler de cette photo et des raisons de votre présence dans cet hôpital. », mon objectif restait simple et je ne veux pas m’en éloigner. « Étiez-vous souffrant ou rendiez-vous visite à un proche ? », ne pas présenter le problème directement, effacer les possibilités unes par unes avant d’exposer ce qu’on veux. Je veux la vérité et ce manège me semble en être un aveux. Je n’ai juste qu’à trouver comment le faire parler et puis j’ai les listes des patients et visiteurs ce jour là à l’hôpital. Peut-être que si il décide de mentir, elle m’aiderai. En attendant je le fixe, stylo à la main, prêt à écrire dès qu’il me dira quelque chose de viable, chose qui sera sans doute difficile au vue de ses précédentes déclarations, mais je suis ici pour faire triompher la vérité.

Un sourire indulgent s’étira sur les lèvres de l’Occultiste alors que le jeune homme refusait son offre. Un projet de fin de carrière… Il aimait les enfants et les enfants humains encore plus. Tellement passionnés et sûrs d’eux, parfois irréalistes aussi. Celui-là semblait presque arrogant, lui rappelant juste assez Thomas pour que la scène l’attendrisse plutôt qu’elle ne l’exaspère. “Vous avez de jolis projets et beaucoup d’assurance, je peux au moins vous reconnaître cela.” souffla-t-il joyeusement, comme s’il venait d’entendre une plaisanterie pas tout à fait drôle, mais qu’il appréciait la tentative et voulait encourager son interlocuteur à réessayer. “Mais vous manquez d’expérience et même si vous essayez vraiment, vos tentatives de faire carrière dans le journalisme risquent d’être profondément perturbées par le choix de vos sujets…” Il ne se montrait toujours pas méchant ni désagréable, seulement il fallait remettre un peu les pieds sur terre à ce garçon. “Je ne suis pas sûr qu’un journal sérieux accordera sa chance à un jeune homme sans expérience qui crie sur tous les toits que la magie existe.” précisa-t-il, quoique ce ne soit probablement pas utile de le faire. “Alors qu’être un auteur publié vous offrira forcément plus de crédit aux yeux de vos pairs. Mais enfin, vous avez le temps d’y réfléchir, mon offre n’est pas limitée dans le temps pour le moment.” Il offrit un autre sourire à l’étudiant avant de se plonger un instant dans sa tasse. Il avait parfaitement entendu la question du jeune homme et savait parfaitement qu’il ne pourrait pas échapper à toutes ses questions éternellement, surtout s’il voulait sortir d’ici en ayant obtenu satisfaction. “Quant à ce que je faisais dans cet hôpital ce soir-là…” reprit-il donc en reposant sa tasse. “Bien que ce ne soit nullement vos affaires, j’accompagnais effectivement quelqu’un. J’étais en voiture avec une amie lors de l’orage et nous avons eu un accident. Elle a été blessée, moi non, donc je l’ai conduite à l’hôpital pour qu’on s’assure que tout allait bien. J’ai eu une légère commotion et elle juste un poignet foulé, mais il y avait tellement de monde que nous n’avons pas pu suivre le protocole à la lettre. Un interne nous a ausculté dans le couloir, peut-être à peine quelques minutes avant que vous ne preniez cette photo.” Il s’appuya contre le dossier de sa chaise et croisa ses mains sur ses genoux. “Je ne vois pas bien ce que vous voulez que je vous dise de plus au sujet de la photo en question, si ce n’est qu’elle est d’une qualité effroyable.” D’un geste de la main, il repoussa cette conversation au loin, comme si cette photo n’avait réellement rien de passionnant. Il se souvenait pourtant très bien de ce que le jeune homme croyait avoir capturé à ce moment-là. Utiliser ses pouvoirs dans un lieu public n’était pas sa meilleure idée, mais on ne voyait vraiment rien dans ce sens sur ce cliché. “Ça a été une soirée très compliquée pour tout le monde, je n’avais jamais vu un orage aussi violent à San Francisco et je dois admettre que ça a été un vrai choc pour tout le monde, moi compris. Pour ma part, je trouve vos accusations amusantes et votre imagination me laisse rêveur et me permet de voir énormément de potentiel en vous, mais comme je le disais tout à l’heure, vous devriez rester prudent. Ce que vous postez sur Internet ne disparaîtra jamais vraiment et votre carrière va en souffrir, c’est sûr et certain. Mais je suis enclin à vous aider à réparer ça.”

Les propos de cet homme sont réfléchis, c’est une certitude, toutefois, plus il parle, moins je crois en ses mots. Il y a des incohérences, légères, mais bien présente qui rendent déjà sa plaidoirie incertaine et loin d’être viable. Il est gentil, du moins en apparence, mais je doute sincèrement que son intérêt pour mon avenir soit si… réel. Il peut en effet m’aider, il peut sauver ma carrière, mais pas comme il l’entend. « C’est gentil, mais les médias se taisent beaucoup trop pour que je le fasse. Si ma carrière doit-être un désastre, elle le sera, mais la vérité finira par éclater. », je n’abandonne pas, je sais qu’il y a une vérité qui m’échappe et même si cet homme peut-être complètement hors du problème, son discours ne me suffisait pas. « Vous venez de me dire que vous n’étiez pas blessé lors de cet accident de voiture, mais que vous avez tout de même eu une commotion. Je ne me réjouis pas de ça, croyez moi, mais une commotion est une blessure et à moins qu’elle ai été bien plus violente, je ne l’aurais pas omis dès le début. ». Je suis quelqu’un d’acharné, quelqu’un qui tient à la vérité.

« Et pourquoi me parler de magie précisément ? Je parle souvent de surnaturel, mais pas de magie en particularité. » et c’est sans doute cette partie qui est la plus excitante, d’avoir un homme devant moi qui a pris un raccourcis beaucoup trop précis pour que ce ne soit pas une piste. À moins qu’il espère lui aussi qu’une réalité soit plus réelle qu’une autre. « Pour la magie et qu’est-ce qui vous fait croire que c’est mon hypothèse principale ? », j’ignore complètement le reste des ses propositions. Là, il venait de toucher une hypothèse, il l’avait formulé seul, je n’avais rien eu à faire. Soit il espère comme moi que les choses soient réel, soit il savait quelque chose. Dans les deux cas, il ne peut plus me voir comme un simple étudiant ayant un peu de talent pour l’écriture, mais comme un reporter ayant su dénicher la véritable vérité.

C’était de plus en plus difficile pour Yerathel de conserver son air tranquille vaguement amusé, quand il ne rêvait que d’une chose : éclater d’un grand rire, bruyant et joyeux, qui ne manquerait pas d’attirer l’attention de tout le monde. Il en venait presque à espérer pour le jeune homme assis face à lui qu’il parviendrait à réaliser ses objectifs de vie. Il se donnait tant de mal pour se donner l’air d’un professionnel… Dommage que son succès soit un véritable danger pour l’Occultiste et que, ce faisant, ce dernier se donnerait tous les moyens possibles pour mettre fin à ses aspirations d’une carrière auréolée de succès. “C’était juste un petit coup sur la tête, je n’ai même pas eu une bosse.” lâcha-t-il en accompagnant sa réponse d’un petit geste de la main qui voulait balayer cette préoccupation au loin où était sa place. “Les médecins, vous savez… Ils se sentent toujours obligés d’en faire des tonnes !” Il savoura un instant l’ironie de sa déclaration, elle-même terriblement théâtrale, avant de se concentrer à nouveau. Ce gosse ressemblait de plus en plus à un petit chiot accroché à un os en plastique par les crocs. Yerathel s’autorisa à lever les yeux au ciel de façon bien marquée afin de lui communiquer toute son exaspération. Après quoi il fit tout de même l’effort de se redresser et vint appuyer ses coudes sur la table, croisant ses doigts entre eux alors qu’il se penchait légèrement vers l’apprenti journaliste. “Très bien, Samuel.” souffla-t-il avec autant de sérieux qu’il put en réunir. “Je vois que nous ne sommes pas là pour les mêmes raisons et que vous êtes bien trop borné pour lâcher le morceau. Alors mettons que je joue à votre jeu un moment, d’accord ? Je vous accorde quinze minutes pour me poser toutes les questions ridicules qui puissent vous passer par la tête et en échange, vous réfléchirez sérieusement à ce que moi j’ai à vous dire. Deal ?”

Il s’éloigna rapidement après cela et tira son smartphone de la poche de sa veste pour y programmer un minuteur. Il plaça l’appareil entre eux sur la table et lança le décompte avant de reporter toute son attention sur l’adolescent. “Effectivement, vous ne parlez jamais clairement de magie dans vos articles. J’ai simplement fait un raccourci parce que vos histoires me rappellent inévitablement quelques passages d’Harry Potter. Vous savez, après que Voldemort soit officiellement de retour et que les moldus commencent à se demander ce qui se passe, mais malheureusement le Ministère de la Magie n’a de cesse de leur lancer des Oubliettes et les pauvres ne peuvent expliquer ce qui est pourtant juste sous leur nez ?” I offrit un sourire indulgent au jeune homme, bien décidé à se montrer toujours sympathique et juste assez condescendant pour que le petit Samuel n’oublie jamais que tout ça n’était qu’une idée ridicule. “Vous comprenez peut-être mieux pourquoi je suis à ce point convaincu que vous pourriez faire fortune en tant qu’auteur de fiction.” Il avala une nouvelle gorgée de son café avant de reprendre. “Je ne sais pas du tout ce que vous imaginez exactement, mais comme tout le monde j’ai vu cette vidéo et j’ai étudié vos articles avec beaucoup d’attention. Ainsi que votre parcours personnel et scolaire. Vous êtes intelligent, ambitieux et vraiment talentueux, ça ne fait aucun doute, mais vous perdez votre temps. Nous ne sommes pas dans l’univers de J.K Rowling, c’est la vraie vie, là.”

S’il restait l’indice d’un sourire affable au coin de ses lèvres, pour la première fois de toute cette entrevue, Yerathel apparaissait réellement sérieux et perdait même de cet aspect dramatique si intrinsèquement lié à son personnage. “Je vous l’ai dit, j’étais à l’hôpital cette nuit-là et certains de mes proches ont été blessés. Moi aussi, si ça peut vous faire plaisir, quoique je continue de penser que ça n’était vraiment rien de grave. J’ai vu des gens pris de panique et incohérents. Peut-être cela explique-t-il qu’ils soient si nombreux à vouloir justifier cette soirée trop intense par des explications encore plus incohérentes. En revanche, vous avez une photo de moi que vous utilisez sur votre blog sans mon accord et à laquelle vous associez des rumeurs parfaitement infondées et tellement ridicules qu’elles mettent en péril mon avenir professionnel. Je ne suis pas un enfant, mais un homme d’affaire influent et ce n’est que parce que je suis convaincu de pouvoir vous apporter quelque chose que je n’ai pas encore fait appel à mes avocats pour que cette photo soit retirée et vous condamné pour diffamation et atteinte à ma vie privée. Alors, je vous conseille d’être très prudent sur les questions que vous souhaitez me poser maintenant.” Il jeta un oeil sur l’écran de son téléphone. “Il vous reste douze minutes.”

L’homme semble enfin vouloir coopérer, quoi qu’il ne soit encore une fois loin de ce que j’attends. Mais c’est ça être journaliste, se heurter aux murs et accepter de continuer. Il me donne donc 15 minutes pour lui poser des questions à condition de réfléchir à ses dires. Bien qu’il fasse, je ne suis pas obliger d’en tenir compte. Sortant son téléphone pour appuyer sur le temps qu’il me resterait, je sens une légère urgence s’installer et qui refuse de disparaitre à mesure qu’il parle. Il en a des choses à dire et le temps fil lui et si tout semble beaucoup trop enfantin, il y a bien une chose que je crois vrai. Qu’on nous manipule pour oublier. Je ne suis pas vraiment surpris d’entendre ce discours, mais lassé, comme si le monde n’avait que deux versions des faits, mais c’est pas grave et alors que j’ouvre la bouche pour enfin pouvoir poser mes question, il enchaine. Comment lui poser des questions si les quinze minutes finissaient par disparaitre ? Quoi que cet fois, il y a quelque chose d’intéressant. Il parle de son image, d’un procès qu’il pourrait me coller si je la laisse là et il parle de diffamation. On ne le reconnait pas, il faut le voir de prêt pour dire que c’est lui, mais cette photo est donc un problème, pourquoi ? Baissant les yeux sur le téléphone au moment où il me donne le temps qu’il me reste, je sens de nouvelles pistes se dessiner dans mon esprit.

« Vous vous sentez menacer par cette photo ? En quoi une photo flou peut-elle vous porter préjudice ? Et si c’est si puéril pourquoi vous en faire ? » je pose mes questions très vite à cet instant, je n’ai pas de temps à perdre. « Et en quoi le fait de pouvoir m’apporter quelque chose pourrait justifier que vous ne m’attaquiez pas ? », mon coeur bat vite. Je n’ai pas peur d’un procès, pour moi une attaque signifie qu’on a quelque chose à défendre, ça signifie qu’il y a un problème. Il y a quelque chose, j’en suis sûr et sa démonstration avec Harry Potter n’est que de la poudre aux yeux. « L’existence de la Magie serait si effrayante que ça ? Vivre dans un monde où Harry Potter existe est-il vraiment insupportable ? », souvent on veut y croire, souvent on se donne les moyens d’y croire, mais pas lui. Je refuse d’être prudent, je refuse de rester à ma place et d’étouffer les vérité. Légèrement tremblant du à l’excitation d’une telle situation, mon sourire reviens, contrairement au sien qui n’est à présent plus là.

Adieu l’indulgence, cette fois Yerathel ne put décemment pas contrôler sa réaction et laissa l’incrédulité se dessiner librement sur ses traits. Son offre de soutenir la carrière du gosse n’était au départ qu’un leurre, mais le jeune Samuel agissait déjà comme tellement d’autres artistes dont le mécène avait la charge qu’il commençait à envisager sérieusement de se montrer sérieux. Pourquoi fallait-il toujours qu’il tombe sur les plus bornés ? Et pourquoi se sentait-il toujours obligé de venir au secours de ces crétins prêts à risquer leurs vies sans y réfléchir à deux fois ? “Vous êtes là en homme libre, n’est-ce pas ? Et mon visage apparaît toujours sur votre blog. Si je me sentais menacé, votre petit jeu aurait pris fin depuis bien longtemps. De plus, il me semble que faire fermer votre blog n’est pas la meilleure stratégie pour vous convaincre de signer un contrat avec moi.” Un autre geste de la main vint ponctuer sa réponse. Il aurait pu passer des heures entières à trouver d’autres façons inventives de faire peur à ce gosse, mais il aurait préféré pouvoir lui dire la vérité et abandonner la menace d’un procès pour se concentrer sur celle que courrait réellement cet idiot.

Et peut-être qu’il le pouvait, après tout… Puisque rien ne semblait capable de convaincre le jeune homme de se détourner de sa quête, pourquoi ne pas jouer son jeu ? Il le demandait, alors qu’il soit servi. “En toute honnêteté, j’adorerais que la magie existe. Vous n’imaginez pas le temps que ça me prend chaque jour pour ressembler à ça…” souffla-t-il en se désignant d’un geste dramatique. Il claqua des doigts alors qu’il concluait. “Ce serait merveilleux s’il suffisait d’un claquement de doigts.” Il prit l’air d’envisager la possibilité quelques secondes et sembla s’éveiller tout à coup. “Mettons que vous ayez raison juste un instant, d’accord ? Que vos événements “étranges” soient réellement liés à quelque chose de plus grand et qu’il y ait des gens dans le monde capable de lancer des éclairs avec leurs doigts…” De nouveau, il prit cette posture de confidence, appuyé contre la table et penché vers son interlocuteur. “Vous avez vu cette vidéo comme moi, comme le monde entier et grâce à ça, vos petites histoires amusantes sur Internet commencent à prendre de l’ampleur. Imaginons un instant que vous soyez honnête quand vous prétendez que vous recevez de plus en plus de témoignages. Je sais que l’audience de votre blog a beaucoup augmenté depuis que cette vidéo a été postée.” Son regard effleura brièvement l’écran de son téléphone, le laissant vaguement satisfait de voir les secondes filer à toute vitesse. “Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi ce secret se retrouve soudainement dévoilé du jour au lendemain ? Ni ce qui a poussé ces deux hommes à s’entretuer en pleine rue ? Depuis combien de temps ces gens existent d’après vous ? Et pourquoi est-ce qu’on en a jamais entendu parler avant ? Et combien de temps pensez-vous que vous pourrez continuer comme ça, à dévoiler des secrets à qui le veut, sans le soutien de qui que ce soit , à laisser votre communauté grandir jusqu’à devenir vraiment visible ? Qu’est-ce que votre grande vérité vous apportera, si un jour un homme qui peut lancer des éclairs avec ses mains vient frapper à votre porte pour vous faire taire ? C’est important pour vous, je suis sûr que vous avez déjà pensé à tout ça, alors allez-y, profitez de vos dernières minutes pour m’exposer vraiment votre théorie, en partant du principe que je vous crois. Peut-être que je mettrais le chronomètre sur pause si vous arrivez à me prouver que vous savez ce que vous faites.”

L’entendre parler de la fermeture de mon blog me fit brièvement défaillir. C’était le travail d’une vie, enfin pas exactement, plus d’une année, mais c’était un travail que je menais avec sérieux et il était hors de question qu’on me prive de celui-ci. Si toutefois fois il tenait à le faire, alors je reviendrais, encore et encore, car c’est ainsi qu’un journaliste ayant foi en ces pistes fait non ? Pourtant cette colère s’effaça lorsqu’il finit par me donner assez de crédit pour parler sérieusement, pour admettre que l’existence de la magie avait son charme, mais il souleva d’autres points. Pourquoi l’on découvrait seulement tout ça, pourquoi des gens se tueraient, pourquoi l’on ne s’en prendrait pas à moi pour avoir était trop loin ? Il veux mes réponses et peut-être me donner plus de temps, je peux lui donner. « Pour tuer un journaliste c’est qu’il s’agit forcément de quelque chose de beaucoup trop gros pour qu’on le laisse continuer et si ça arrive, j’aurais eu raison et d’autre continuerons pour moi. », je ne suis pas forcément sur de moi sur ce point, je doute même sérieusement que d’autres aient le courage de risquer leurs vies, mais je ne le montre pas, je suis censé être professionnel, pas être un ado sujet aux doutes.

« Il doit y avoir quelqu’un qui veut que ça se sache, quelqu’un ayant tout intérêt à ce qu’on révèle ce secret au grand jour et ce quelqu’un est peut-être aussi en danger. », je suis un peu précipité dans mes réponses, mais le temps fil et je dois le convaincre de m’écouter. Pourquoi ? Une intuition. « Je pense qu’on fait face à quelque chose qui est là depuis des siècles, voir des millénaires. Quand vous regardez l’histoire, les chasses aux sorcières ont été courante et si pendant l’antiquité s’était présenté autrement, j’ai du mal à croire qu’on ait pu immoler des innocents uniquement sur des croyances religieuses. », je baisse alors les yeux sur mon sac, tirant un carnet ou j’avais répertorié des meurtres de masse ou toutes les choses inexpliqué depuis des millénaires. Ouvrant une page sur un article concernant les malédictions égyptiennes, je repris, « Regardez… Pendant l’égypte antique certaines personnes étaient maudite et les mises en gardes sur les tombeaux parlaient de prêtes et adorateur de dieu inconnu… », retirant ma main pour le laisser feuilleter le carnet au besoin, je repris, « Je pense que nous somme au milieu de quelque chose qui nous échappe et l’homme à l’éclair a peut-être simplement tué une de ces choses qui nous menace… C’est comme cette tempête, elle était la pour détruire, ça n’avait rien de naturel, mais personne semble y croire alors que, soyons honnête, une tempête aussi puissante ne pouvait physiquement pas frapper que San Francisco. », c’est réellement impossible. « J’ai juste besoin de savoir si il est question de dieux anciens, ce qui pourrait justifier toutes ces exécutions religieuse, ou si on est face à une forme supérieur comme des alchimistes, des sorciers, ou des mutant. Mais je suis persuadé qu’il y a quelqu’un qui s’occupe de nettoyer derrière lui, même moi je n’arrive plus à me souvenir correctement de ce qu’il s’est passé et j’ai une très bonne mémoire et je ne bois jamais. », bon en même temps je ne suis pas vraiment le genre de garçon à être populaire, mais je suis surtout sérieux et je voulais qu’il me croit. J’ai quelque chose, j’ai juste besoin de savoir quoi.

     

Enfin le jeune homme sembla un peu plus éveillé et excité. Il ne désirait donc qu'une seule chose : qu'on lui donne raison. Au point d'en oublier, peut-être, que tout cela n'était censé être qu'un petit jeu de rôle passager. Son inconscience commençait à frustrer doucement Yerathel, en grande partie surtout parce qu'il comprenait de mieux en mieux qu'une fois encore, il venait de prendre sur ses frêles épaules la responsabilité d'une autre vie. Il ne pourrait jamais sortir de ce café et oublier cet enfant, qui en savait bien trop sur les secrets cachés en plein jour. L'Occultiste ne jeta malgré tout qu'un bref regard désintéressé aux preuves présentées par l'étudiant et prit sur lui de conserver son expression affable et indulgente, vaguement exaspérée, plutôt que de se laisser aller à une quelconque preuve de faiblesse. Et il écouta sagement les théories farfelues et pourtant si vraies du garçon. Quand il en eut terminé, Yerathel appuya les coudes sur la table et posa son visage sur ses mains, posant son regard sérieux sur l'enfant.

"Je vous accorde quelques phénomènes étranges, au regard de cet orage particulièrement, bien qu'il ne me semble pas très difficile d'expliquer le phénomène météorologique en cause dans ce cas précis." souffla-t-il lentement, comme s'il se laissait peu à peu convaincre par les arguments du jeune homme. "Je suis encore sceptique sur votre théorie, plus que sceptique vraiment, mais si vous croyez à tout ça... Et si, par miracle, vous disiez vrai, alors vous devriez d'autant plus considérer mon offre, Samuel." Il désigna le dossier plein à craquer de preuves dont certaines n'avaient pourtant aucun rapport avec l'ordre des Occultistes. "Vous avez réuni là tout un tas d'histoires qui font froid dans le dos. Des femmes chassées, brûlées ou noyées parce qu'on les suspectait de sorcellerie. D'autres gens assassinés tout au long de l'Histoire de notre monde et vous affirmez même que ce secret existe depuis des millénaires. Est-ce que vous réalisez réellement ce que ça signifie, si vous aviez raison ?" Il leva un sourcil, laissa une longue seconde s'étirer en silence pour laisser le temps au journaliste en herbe de prendre la mesure de la menace.

"Si vous dites vrai, vous courrez un grave danger. Vous pensez peut-être que ça vaut le coup de mourir pour prouver votre point, mais vous vous trompez. Vous n'avez que dix-sept ans, toute la vie devant vous, une mère et une sœur qui seraient dévastées de vous perdre. Et si vous n'êtes plus là, croyez-vous réellement que quelqu'un prendra votre relève ? N'avez-vous pas envie d'être celui qui dénonce ce secret jusqu'au bout et en récolte les lauriers, plutôt qu'un ticket aller-simple vers le cimetière de la ville ?" Il poussa doucement le dossier vers le jeune homme le temps d'un raclement de gorge, travaillant au mieux l'effet d'angoisse qu'il cherchait à apporter. "Travaillez pour moi, acceptez de jouer le jeu du jeune écrivain plein d'imagination, ça vous sauvera qu'on ne vous prenne pas au sérieux tant que vous n'aurez pas réuni toutes les preuves nécessaires. Je vous laisserai continuer à travailler sur votre véritable enquête dans l'ombre et je pourrais même vous fournir de l'aide et une protection. Et quand vous aurez la preuve indéniable de ce que vous dites, grands Dieux, soyons fous, je vous aiderai même à vous faire publier par une maison d'édition respectable et sérieuse. Vous aurez la couverture médiatique dont vous rêviez et l'attention du grand public. Faites-moi confiance, c'est probablement votre seule chance de survivre si tout ce que vous dites est vrai."

Convaincre l’homme n’est qu’une étape et même si il semble sceptique, il me concède des choses jusqu’à mettre le doigt sur une vérité. Si ce que je pense est vrai, je suis en danger. Je le sais, j’accepte cette variable, du moins jusqu’à ce qu’il parle de ma mère et de ma soeur et que mon coeur manque un battement. L’angoisse me prend très vite, mais aussi un peu la colère, au point que j’en viens à ignorer le fait que tout le monde peut savoir que j’ai une soeur et une mère. Il suffit d’interroger mon dossier à la fac, ou de demander à mes amis. Mais lui a l’information et ça ne me va pas, comme si la menace devient plus grande. Je me moque toujours autant de mourir, mais pas de les perdre elles. Ni même leurs souffrance. Il me refait alors son offre et elle me semble un peu plus convaincante quoique ça ne colle toujours pas. « Si je suis en danger, devenir votre poulain me sauvera brutalement ? », j’étais septique, bien trop pour entrevoir la vérité. « Mais ça veut dire que je n’ai plus le droit de publier quoique ce soit je suppose et donc laisser le monde se faire encore un peu plus manipuler ! » ma quête de vérité peut me couter cher, je le sais, mais je suis un homme intègre face à un problème qui se veut insolvable.

« Et comment savez-vous pour ma mère et ma soeur ?!. », je suis un peu plus abrupte. Cet homme en sait beaucoup sur moi et il sait aussi comment me parler, mais il ignore peut-être combien je peut-être borné quand j’ai quelque chose en tête et il ignore peut-être aussi que je ne suis pas un homme à corrompre.« Je ne pense pas qu’être un auteur de fiction puisse me permettre de révéler le plus grand secret de l’univers, je passerais juste pour un idiot et plus personne ne me croira. », je repousse sa proposition, c’est peut-être une erreur, mais je ne veux pas me laisser convaincre par ce plan parfait, mais trop facile. Comment je serais censé me regarder après ça ? Je dois rester droit, garder en tête pourquoi je fais ça et ce que j’ai à y gagner. Beaucoup de monde est mort pendant cet orage, beaucoup de blessé. Si quelqu’un est responsable, il doit payer.

Cette tête de pioche parvenait au miracle de désespérer sérieusement l'Occultiste, qui savait pourtant que le jeu n'était pas gagné d'avance. Mais rien ne semblait capable de le ramener à la raison et c'était tellement frustrant que Yerathel finit par abandonner le premier. Un soupir douloureux lui échappa alors qu'il secouait la tête pour exprimer tout son désespoir. "Je vous l'ai dit il y a à peine cinq minutes : j'ai fait des recherches. Vous n'êtes pas un agent secret, vous savez ? Et vous ne me prenez peut-être pas au sérieux, mais c'est votre erreur. J'ai des relations partout, dans les forces de l'ordre, à la préfecture, à l'université où vous étudiez. Vraiment, c'est un jeu d'enfant de vous pister quand on sait où chercher. En tant que journaliste, je suis surpris que vous n'ayez pas fait vos propres recherches sur mon compte." C'était la seule question à laquelle il se donna la peine de répondre, cette fois, ne serait-ce que pour assassiner dans l'œuf une autre de ces théories complotistes dont le jeune homme semblait avoir le secret et qui, pour le coup, serait totalement fausse. "Vous êtes peut-être intelligent et bourré de talent, mais vous manquez encore de maturité et de recul. Je vous souhaite sincèrement de ne jamais apprendre ces leçons dans la douleur." souffla-t-il ensuite, avant de répéter son petit manège habituel chaque fois qu'il faisait une rencontre intéressante : en plongeant une main dans sa poche pour en sortir l'une de ses cartes de visite qu'il présenta au jeune homme. "Mais si par malheur, vous retrouviez la raison ou n'aviez d'autre recours pour vous sortir de vos ennuis, appelez-moi." offrit-il, avant de se reprendre presque immédiatement. "Et je ne parle pas d'une menace mortelle, ça peut très bien se cantonner à des procès pour diffamation ou Dieu sait quel genre de problème vous pourriez réellement vous attirer avec vos histoires. Quoique vous pouvez m'appeler aussi si un Mangemort débarque dans l'intention de vous tuer." Il récupéra son téléphone qu'il rangea sans un regard vers l'écran, puis tendit une main vers le journaliste. "Merci d'avoir pris de votre temps pour m'écouter." salua-t-il poliment avant de se lever. Il priait de tout son cœur pour que leurs routes ne se croisent plus jamais, hélas il sentait venir les ennuis et ne doutait même pas vraiment qu'ils se revoient bientôt.